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Gouvernance d’entreprise : la responsabilité au-delà des profits

Article publié dans le magazine du Groupe IBL, together n°6.

Elle est loin d’être figée. Bien au contraire, la gouvernance d’entreprise est une notion qui évolue. Au gré de ses mutations, elle redéfinit le rôle de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes et sa place au sein de la société, mais surtout, comment elle doit être dirigée. “Une bonne gouvernance d’entreprise est la pierre angulaire du succès de cette dernière”, souligne Arnaud Lagesse, Group CEO d’IBL Ltd.

Comment sont prises les décisions ? Comment s’effectuent les arbitrages ? Sur quels critères ? Par quels acteurs ? Ce sont autant de questions qui ont trait à la gouvernance d’entreprise. Théorique, voire abstraite pour certains, elle voit émerger de nouveaux critères qui soulignent les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance de toute entreprise, peu importe son secteur d’activité.

Au fil des années, les pratiques de gouvernance ont énormément changé au sein des entreprises privées. “Au début, la priorité était plutôt d’ordre financier, car une entreprise était gérée pour générer des bénéfices pour les actionnaires. Nous avons depuis évolué vers un modèle fondé sur la création de valeur pour l’ensemble de la société”, explique le Pr Mervyn King, ancien juge sud-africain qui a participé à la rédaction du premier National Code of Corporate Governance de Maurice en 2003.

Les crises, comme celle de 2008 à la suite de la faillite de Lehman Brothers aux États-Unis, ont influencé cette évolution. D’autres facteurs, tels que les changements légaux et réglementaires, un contrôle accru des autorités, notamment des régulateurs, ou encore une plus grande prise de conscience des conseils d’administrations, investisseurs et consommateurs, y ont sensiblement contribué. Ce sont, d’ailleurs, ces changements qui ont conduit à la révision du code en 2016 à l’île Maurice.

Il faut aussi souligner que les attentes à l’égard des entreprises ont beaucoup changé, poussant cellesci à adopter une approche plus holistique. “La bonne gouvernance n’est plus uniquement une question du rendement qu’elle génère pour les actionnaires. Après la citoyenneté d’entreprise, elle est, aujourd’hui, plus axée sur la gestion responsable”, souligne Aruna Radhakeesoon, présidente du National Committee on Corporate Governance. “Lors de prises de décision, l’enjeu majeur pour un conseil d’administration est de prendre en compte ce qu’attendent ses parties prenantes tout en tenant compte de la santé à long terme de l’entreprise”, soutient le Pr King.

Pour Sheila Ujoodha, CEO du Mauritius Institute of Directors (MIoD), l’évolution en matière de bonne gouvernance représente “un défi important pour les entreprises, mais aussi une opportunité d’instaurer la confiance, d’améliorer leur réputation tout en assurant leur réussite à long terme. Celles qui arrivent à répondre aux attentes sont les plus susceptibles d’être résilientes face aux risques émergents”.

En plus d’avoir mis en exergue certaines faiblesses existantes, la pandémie de Covid-19 a fait naître de nouveaux défis. Les entreprises accordent désormais une attention accrue à la durabilité et à la responsabilité sociale, en mettant notamment en œuvre des initiatives communautaires et environnementales. La gestion des risques, la résilience, la rétention des talents, ainsi que l’adoption accélérée des technologies numériques sont autant de changements induits par la crise sanitaire.

Gilles Michel, ancien président du Corporate Governance Committee du Groupe IBL, rappelle que la gouvernance était un enjeu décisif à la création d’IBL Ltd après la fusion entre Ireland Blyth Ltd et GML Investissement Ltée. “Dès le début, le Chairman, Jan Boullé, et le Group CEO, Arnaud Lagesse, ont exprimé que pour construire un groupe leader, il fallait être une référence en matière de gouvernance – c’était le projet de l’entreprise. Pour cela, nous avons codifié tous les domaines, de la rémunération des dirigeants aux comportements boursiers,” se souvient-il.

Et de fait, aujourd’hui IBL va bien au-delà des règlements, indique Jan Boullé, Chairman d’IBL Ltd. “Nous n’attendons pas les recommandations ou autres obligations légales pour instaurer une bonne gouvernance, précise-t-il. Nous voulons être exemplaire. Nous avançons avec la volonté d’être intègre, en prenant les bonnes décisions en accord avec nos principes et valeurs”.

Pour autant, aucun code écrit ne garantira que tout se passe bien, car c’est finalement une question de comportement des individus et du collectif. Gilles Michel soutient néanmoins “qu’il est important que des règles soient fixées et que l’on s’assure qu’il y ait des procédures internes de reporting et des systèmes de sanction, y compris au sein du conseil d’administration. Sans ces règles, on expose l’entreprise à des risques juridiques, réputationnels, voire financiers.”

En effet, les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux informations sur la durabilité sous la forme de données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). “À IBL, nous assurons cette transparence dans nos rapports intégrés pour permettre aux parties prenantes de comprendre notre processus de création de valeur de même que nos perspectives”, ajoute Jan Boullé.

Les entreprises mauriciennes cotées ont, certainement, fait des progrès tangibles dans l’instauration de mesures efficaces en matière de bonne gouvernance, même si des améliorations sont encore nécessaires sur certaines questions. “Des efforts continus pour améliorer la gouvernance d’entreprise sont essentiels pour renforcer la confiance des investisseurs, favoriser la croissance économique et garantir la viabilité du secteur des affaires”, souligne la CEO du MIoD.

De son côté, Gilles Michel prône une approche pragmatique des entreprises, guidées par leurs valeurs. “ On ne peut pas penser à tout à priori. Il faut se fixer des règles en fonction des obligations légales et réglementaires qui s’imposent, des objectifs de l’entreprise, de ses valeurs. Et ensuite avancer en les faisant vivre en fonction de l’évolution du contexte, des circonstances, des sujets et de l’entreprise elle-même.” Et pour lui de conclure : “La gouvernance n’est pas quelque chose de déconnecté. Au-delà des obligations d’une entreprise, ce qui est intéressant, c’est ce que l’on veut faire soi. Il est essentiel de connaître les convictions, les valeurs et les principes que l’on veut suivre et diffuser au sein de l’entreprise.”

Le National Code of Corporate Governance appelé à évoluer

“Nous sommes résolus à revoir le code et les procédures seront bien lancées pour le recrutement d’un consultant”, annonce Aruna Radhakeesoon, la présidente du National Committee on Corporate Governance. Lancé officiellement en 2017, l’actuel code a marqué un changement important en introduisant une nouvelle approche fondée sur des principes. Au niveau du MIoD, on est d’avis que la révision du code actuel est impérative au vu des changements importants qui se sont opérés ces trois dernières années. La vulnérabilité au changement climatique, dont les répercussions sont aussi économiques et financières, les risques liés à la cybersécurité et l’émergence de l’intelligence artificielle, sont autant d’éléments à prendre en compte. “Il serait nécessaire de nous aligner sur les meilleures pratiques internationales”, plaide Sheila Ujoodha.

Financement politique : les trois règles du Groupe IBL

Une entreprise privée doit-elle financer les partis politiques ? Cette question, le Groupe IBL ne l’a pas éludée, estimant qu’il est important de participer à la vie démocratique du pays. Pour ce faire, quatre règles ont été clairement définies. Premièrement, c’est uniquement la holding qui est habilitée à accorder ce type de financement. Deuxièmement, si financement il y a, c’est seulement lors d’événements de la vie démocratique, tels que des élections générales. Troisièmement, le montant total alloué aux partis démocratiques lors des élections générales est communiqué dans le rapport intégré. “C’est une prise de position forte, avec laquelle certains peuvent ne pas être d’accord. Mais au moins, on est clair et surtout capables d’expliquer nos décisions, aussi bien auprès de nos publics internes qu’externes”, souligne Gilles Michel.

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